Le bean to bar : la fabrication du chocolat, de la fève à la tablette

Bean to bar Sève - © Erick Saillet

L’expression « bean to bar » est de plus en plus employée dans le jargon gastronomique. Elle désigne le fait, pour un chocolatier, de maîtriser toute sa chaîne de production en fabriquant son chocolat directement depuis les fèves de cacao. Si c’était historiquement la norme et l’essence-même du métier de chocolatier, cette démarche est aujourd’hui pourtant loin d’être courante. La Maison Sève, classée parmi les 10 meilleurs chocolatiers de France depuis les années 2000, est l’une des rares maisons à être adepte du bean to bar. Comment fabrique-t-on le chocolat en bean to bar ? Quelles sont les motivations pour le chocolatier ? Et quels sont les avantages pour les consommateurs ? On fait le point sur cette façon bien spécifique et pourtant traditionnelle de travailler le chocolat.

Le bean to bar, qu’est-ce que c’est ?

Littéralement, l’expression bean to bar se traduit en français par « de la fève à la tablette ». Et elle dit bien ce qu’elle veut dire ! Un chocolatier bean to bar fabrique son chocolat en travaillant directement les fèves de cacao, qu’il acquiert en direct des producteurs. Ceux-ci les ont fait fermenter et sécher juste après la récolte, puis directement envoyées au chocolatier qui va les transformer en petit délice à croquer. Un travail en circuit court, où la chaîne de production est donc intégrée de A à Z !

Dans la production bean to bar, les fèves de cacao sont transformées directement par le chocolatier, comme ici chez Sève - © Erick Saillet

Le bean to bar, une nouveauté ?

Différentes textures de chocolat - © Philippe Jalin

Pas tout à fait ! Si l’expression bean to bar nous vient tout droit de San Francisco où elle a été forgée dans les années 2000, et si elle est de plus en plus utilisée par les marketeurs du secteur, elle désigne en partie une réalité historique.

Autrefois, tous les artisans-chocolatiers fabriquaient en effet leur chocolat en partant des fèves de cacao. Ce n’est qu’avec l’industrialisation de la filière que différents acteurs se sont spécialisés. De nouveaux métiers se sont ainsi créés : importateurs, négociants, couverturiers… De plus en plus, les chocolatiers et pâtissiers se sont mis à acheter leur pâte de chocolat à des couverturiers, qui s’occupaient exclusivement de la torréfaction et de la transformation des fèves. Les chocolatiers n’avaient plus qu’à faire fondre de gros blocs de chocolat (la fameuse couverture des industriels), par exemple en la parfumant ou en la moulant.

Aujourd’hui encore, la quasi-totalité des chocolatiers français se servent chez ces intermédiaires, et travaillent à partir d’une couverture de chocolat qu’ils n’ont pas fabriquée eux-mêmes. En clair, vous ne trouverez pas l’ombre d’une fève de cacao dans leurs laboratoires, et il s’agit malheureusement de chocolats standardisés ! Seule une dizaine d’artisans-chocolatiers français est revenue aux sources, en renouant avec l’origine de ce métier ancestral.

Le bean to bar : des valeurs gastronomiques et éthiques fortes

Mais il y a autre chose : ce sont les valeurs motrices qui se cachent derrière le bean to bar. Car en effet, certains industriels fabriquent eux aussi leur pâte de cacao. Peut-on pour autant les faire entrer dans la famille des chocolatiers bean to bar qui font culminer le chocolat au sommet de ce que peuvent donner les fèves ? Évidemment que non. Souvent, les industriels qui achètent leurs fèves pour les transformer eux-mêmes le font pour des raisons économiques. En éliminant un intermédiaire, ils économisent la marge de celui-ci, et donc leur coût de revient. Mais par définition, les industriels ont besoin de très grands volumes. Ils ne peuvent pas travailler à partir des mêmes fèves que les chocolatiers artisanaux.

Il faut donc dire ici que la mouvance bean to bar, ce n’est pas qu’un procédé de fabrication. C’est avant tout une philosophie, une conviction. Les artisans bean to bar se reconnaissent aujourd’hui par leur motivation à faire un chocolat d’excellente qualité, plus éthique et plus éco-responsable :

  • ils sourcent leurs fèves en fonction de leurs qualités aromatiques et privilégient des terroirs d’exception. Ils varient les cépages et sont à la recherche de raretés : la Maison Sève par exemple utilise le Criollo Betulia de Colombie ou le Nativo Blanco du Pérou, des variétés de cacao très recherchées pour leurs flaveurs exceptionnelles ;
  • les fèves sont disponibles en petites quantités car elles proviennent de plantations à taille humaine, gérées de manière familiale, respectueuses de l’environnement avec des modes de culture raisonnés et respectueux, idéalement biologiques : on est bien loin de l’agriculture intensive qui sert aux industriels ;
  • les chocolatiers bean to bar visitent les plantations régulièrement, pour tout comprendre de leur matière première, et s’assurer des conditions de travail des cultivateurs.

C’est aussi cela, le bean to bar.

Tablettes de chocolat bean to bar Sève et fèves - © Philippe Jalin

Richard Sève, chocolatier bean to bar

Depuis plusieurs décennies, Richard Sève est reconnu comme l’un des 10 Meilleurs chocolatiers de France par le Club des Croqueurs de chocolat. À plusieurs reprises, ce club, qui rassemble 150 éminents connaisseurs, a récompensé les tablettes de la Maison Sève en leur décernant la « Tablette d’or », soit la plus haute distinction qu’il peut attribuer, chaque année, à l’occasion du Salon du Chocolat à Paris. Un hasard ? Pas vraiment ! Il faut dire que Richard Sève et ses chefs chocolatiers travaillent le chocolat avec la plus grande passion et le plus grand respect de la matière première.

Richard et Gaëlle Sève voyagent dans le monde entier et principalement en Amérique latine (Mexique, Pérou, Guatemala, Venezuela…) pour dénicher les fèves de cacao les plus rares, les plus prometteuses. Ils se déplacent régulièrement, pour consolider leurs relations avec les producteurs et s’assurer que ceux-ci travaillent dans les meilleures conditions possibles. C’est aussi une manière de tout savoir sur le produit : le terroir, la récolte, la fermentation, le séchage… Tout cela donne aux fèves des particularités organoleptiques spécifiques dont la Maison Sève tiendra compte pour travailler, et en tirer le meilleur parti.

Richard Sève, maître chocolatier bean to bar - © Erick Saillet

Ainsi, plusieurs tonnes de fèves de cacao transitent par l’atelier de chocolaterie de la Maison Sève, situé à Limonest, en périphérie de Lyon. Elles constituent la matière première du fabuleux chocolat que Sève présente tantôt en tablettes, tantôt en bonbons, et tantôt dans ses pâtisseries. Un choix évident pour Richard Sève, grand gourmand, amoureux inconditionnel de l’artisanat et de la gastronomie, qui vise l’excellence depuis 1991.

S’équiper pour le bean-to-bar : les différentes machines

Pour la Maison Sève, devenir chocolatier bean to bar n’a pas été une mince affaire ! Pour mettre en œuvre sa démarche « de la fève à la tablette », la Maison a acquis de superbes machines anciennes, datant du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle et provenant pour la plupart d’Italie et d’Allemagne. Elles ont été entièrement rénovées et repeintes dans la couleur rouge emblématique de la Maison Sève. Pour notre Maison, cela a été un investissement faramineux… et volumineux !

Les machines – cinq au total – prennent en effet beaucoup de place. Elles ne sont pas pour rien dans la décision de Richard et Gaëlle Sève à bâtir un lieu à leur échelle. La démarche bean to bar a motivé la création du MUSCO, un laboratoire de chocolat en plein cœur des Monts-d’Or à Limonest, qui accueille notamment une partie muséale (avec espace d’exposition de différents objets liés à la culture du cacao et à la fabrication du chocolat), où l’on peut admirer les machines en action, ainsi qu’un espace de stockage des fèves, un atelier de chocolaterie, des bureaux et une boutique.

De nos jours, les choses ont changé. Il existe aujourd’hui de nouveaux outils qui permettent de faire du bean-to-bar, et ces machines innovantes sont beaucoup moins volumineuses. Elles sont aussi beaucoup plus accessibles financièrement, et à la portée de tous, y compris des plus petites chocolateries françaises.

5 machines pour transformer la fève de cacao en chocolat : le cas du bean to bar à la Maison Sève

Pour fabriquer le chocolat, la Maison Sève procède donc à plusieurs étapes. La première est celle du contrôle qualité. Le chocolatier prélève un échantillon de fèves issu de l’un des sacs reçus des producteurs, et les place dans un outil nommé « guillotine ». Les fèves y sont tranchées pour permettre au chocolatier d’inspecter leur aspect intérieur. Si elles sont bonnes, les fèves vont donc subir plusieurs transformations à l’aide des cinq fameuses machines.

1. Le torréfacteur de fèves de cacao, première étape pour le bean-to-bar

Le contenu des sacs de fèves est versé dans un grand torréfacteur, qui chauffe les fèves de cacao à une température comprise entre 100 et 180 ° C pendant 15 à 40 minutes. Le temps de chauffe et la température adéquate sont définis par le maître-chocolatier, en fonction des variétés et des origines de chaque fève. C’est aussi le travail du chocolatier, d’être torréfacteur ! Les fumées sont conduites vers l’extérieur du bâtiment grâce à de grandes cheminées : si vous passez près du MUSCO, vous reconnaîtrez peut-être dans l’air ce délicieux parfum de fève de cacao torréfiée, à mi-chemin entre l’odeur de chocolat et celle de pain grillé !

Au premier plan, le torréfacteur de fèves de cacao de la Maison Sève, au MUSCO - © Erick Saillet

2. Le casse-cacao Tarare

Après la cuisson, la fève de cacao est prête à être débarrassée de sa « peau » (la cosse). Le casse-cacao Tarare permet de séparer le contenu de la fève de cacao de la pellicule qui l’entoure, et qui est destinée à être compostée (ou recyclée dans du mobilier, selon une technique nouvelle et brevetée par la Maison Sève). La fève passe deux fois par le casse-cacao Tarare. À l’issue de ces deux passages, on récupère un aggloméra de petites graines : c’est le grué de cacao, soit le contenu de la fève, qui a été effrité.

Le casse-cacao Tarare sépare l'amande des cosses des fèves de cacao - © Erick Saillet

3. Le pétrin, une machine indispensable pour faire un chocolat

Le grué de cacao est ensuite broyé à chaud, sous une meule de pierre. La Maison Sève fait le choix d’utiliser une meule de pierre à l’ancienne, plutôt qu’une broyeuse à billes d’acier (largement utilisée dans l’industrie), donc les effets sur la santé sont encore mal connus et controversés. Le pétrin transforme le grué en pâte grossière, qui commence à ressembler à du chocolat.

Richard Sève contrôle la pâte de cacao sortie du pétrin du MUSCO - © Erick Saillet

4. La broyeuse à cylindres, pour raffiner la pâte de cacao

Une fois qu’on a récupéré la pâte de cacao du pétrin, on lui ajoute du sucre (un sucre de canne bio exclusivement, dans le cas de la Maison Sève), et on passe le tout dans la broyeuse à cylindres. Cette raffineuse permet d’affiner la pâte, pour que cette dernière ne présente pas de texture granuleuse. Pas question de sentir les grains de sucre craquer sous la dent ! À la dégustation, la pâte doit être absolument lisse (les particules à l’intérieur ont une taille inférieure à 30 microns !) On peut la goûter en pressant la langue contre le palais, pour bien contrôler sa qualité.

5. La conche, dernière étape pour un chocolat en bean-to-bar

C’est la dernière machine utilisée par la Maison Sève pour obtenir le chocolat qui sera utilisé en tablette, en confiserie ou en pâtisserie. Le conchage consiste à éventuellement mélanger la pâte de chocolat à d’autres ingrédients (par exemple, de la poudre de lait pour le chocolat au lait), mais surtout, à chauffer et brasser le chocolat pour parfaire sa déshydratation et l’amener à 1 % d’humidité. Le chocolat déteste l’eau, alors il faut l’en débarrasser ! À l’issue du conchage, la texture est parfaitement veloutée, homogène, et l’aspect du chocolat est durablement brillant. Le conchage peut durer jusqu’à 72 heures.

Chocolat bean to bar Sève - © Philippe Jalin

Et voilà, c’est terminé pour la transformation de la fève en pâte de chocolat ! Ces étapes sont celles qu’un chocolatier bean-to-bar ajoute à son travail quotidien. Elles peuvent durer jusqu’à 4 jours et nécessitent un savoir-faire spécifique, qui était historiquement celui de tous les chocolatiers. Mais c’est grâce à elles que la Maison Sève peut obtenir les saveurs uniques qu’elle recherche précisément…

Après la couverture de chocolat… la tablette, mais encore ?

Au MUSCO, la couverture de chocolat obtenue grâce à la conche et aux autres machines n’est pas loin des artisans qui vont continuer à la travailler. Si les machines sont visibles et exposées derrière une vitre (les curieux peuvent les voir en action), les artisans, eux, travaillent au calme, dans le laboratoire qui se situe juste derrière. Ici, l’atmosphère est parfaitement contrôlée (température, humidité), l’hygiène aussi évidemment. Les pièces sont d’un blanc immaculé et parfaitement éclairées par une lumière naturelle, pour permettre aux chocolatiers de travailler dans des conditions optimales.

Les chocolatiers de la Maison Sève ont pour mission de créer les meilleures tablettes de chocolat à partir de ses propres couvertures (ils doivent pour cela la faire fondre dans les moules Sève emblématiques), mais aussi différents bonbons de chocolat qu'on peut acheter présentés dans de belles boîtes de chocolats. Le chocolat Sève, fabriqué à partir des fèves, enrobe ici différentes ganaches, des pralinés, de la guimauve (pour les fameux oursons guimauve), de la liqueur…

Une autre partie du chocolat est envoyée dans un village alentour, Champagne-au-Mont-d’Or, où se trouve toujours le laboratoire de pâtisserie historique de la Maison Sève, à quelques pas de la boutique ouverte en 1905, là où tout a commencé.

Entremet au chocolat en bean to bar : le Tamaro de la Maison Sève - © Philippe Jalin

Venues directement des terroirs les plus favorables, les fèves de cacao sourcées par la Maison Sève sont donc transformées en pâte de cacao, puis en tablettes, bonbons chocolatés et pâtisseries qui offrent une palette aromatique complexe et exquise aux clients de notre Maison ! Cette démarche bean to bar, en direct du producteur, garantit les meilleurs résultats sur le plan gastronomique, mais aussi une préservation du savoir-faire ancestral des artisans-chocolatiers et une façon de travailler plus éthique et plus durable.

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